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13 mars 2022

Le lotisseur qui aime Gérardmer...ou comment prendre les autochtones pour de parfaits crétins


Le texte que vous allez lire est une histoire vraie. Il a été écrit par Anne après sa rencontre avec un investisseur fortuné. Il décrit un tableau de la situation à Gérardmer, entre humour noir et tristes vérités.



Ce matin, j’avais rendez-vous avec  un lotisseur nancéen pour échanger sur son projet d’investissement sur les hauts de Griselle. Un endroit préservé et, fait rare, parfaitement tranquille, habité uniquement par des Gérômois espacés les uns des autres. Ca fait un peu carte postale ancienne, non ? Une habitante du quartier, première intéressée, m’accompagnait.


L’homme arrive, sourire bienveillant et grosse cylindrée, cliché parfait de l’investisseur, en  nous tendant un sachet de croissants.

Mes intentions conciliantes auront cédé à la première tentative d’hypnose. Et les tentatives n’ont pas manqué !

« J’aime Gérardmer. Je viens depuis longtemps. Laissez-moi vous montrer mon projet. C’est du QUALITATIF »  (l’adjectif reviendra pas moins de 10 fois, me rappelant amèrement le plus gros dévastateur de la ville).

Quelques voisins nous rejoignent et assistent, atterrés, à l’apparition 3D du dit projet : 3 énormes chalets alpins d’une entreprise locale bien connue, alignés les uns sur les autres ; certes, de belle facture.

OUI ! De belle facture, presque 4 millions d’euros au cumul.

Un « gros pour moi » de 6 ou 7 chambres j’ai oublié, et deux « petits » de 5 chambres qui seront revendus pour rentabiliser l’achat. Qui sont déjà en vente vous dîtes ? Oui bien sûr, sinon le projet ne se ferait pas. Mais que l’on se rassure, ils ne seront pas « forcément » rachetés pour de la location saisonnière, ce n’est pas comme s’ils avaient le format adéquat pour accueillir des bandes de fêtards avec leur jacuzzi « côté forêt ».


L’homme se propose d’en parler avec l’agent en charge de la revente. Ils rechercheront donc ( !) des profils sérieux et respectueux « Je m’y engage ».  

 Ils doivent bien se marrer dans les agences !

Le ton monte, gentiment mais sûrement.


L’homme habile s’en prend désormais aux autochtones qui n’ont pas su acheter avant lui…

Encore eut-il fallut qu’une annonce paraisse ! Car dans le microcosme de l’investissement immobilier, on « se positionne » chez le notaire ou l’agent,   si bien que les Gérômois,  même jeunes et fortunés, ne voient rien passer.

L’annonce, finalement trouvée sur un site, affiche fièrement « vendu en 2 heures ».


La Zone Humide en haut ? C’est un problème oui, pour l’accès au dernier chalet.

« Mais nous utiliserons des matériaux perméables. Non, imperméables. Non, perméables. Drainants, quoi ».

« Le virage de la Mauselaine, c’est une horreur, ils sont tous entassés. Un ami possède deux chalets là, ils sont les uns sur les autres ».


En génétique, on coupe une séquence pour la dupliquer. En urbanisme à Gérardmer, c’est pareil.

Prenez 3 gros chalets séparés par 10 petits mètres et collez les sur une parcelle. AGA. ATA. CCA. TGT. Ca marche toujours par 3, vous n’avez pas remarqué ?! Le fameux seuil de rentabilité…


C’est ainsi, de nos jours on affiche son Chalet Gérômois comme sa Breitling ou sa Cayenne. C’est tendance, ça fait baver les copains.

Un peu plus bas, Chemin des oiseaux, une jeune Gérômoise avait hésité pour une ruine à 400 000 euros,  protégée par deux parcelles inconstructibles. Dommage pour elle, un Luxembourgeois aura su détecter son « potentiel », l’acte est signé. Les deux parcelles stériles accueilleront bientôt 2 chalets « de celui dont on ne doit pas dire le nom ».

A l’heure où j’écris ces mots, un avion de chasse passe, mon corps tremble de colère, de peur. Ma cadette me demande « Pourquoi tu fais cette bouche à l’envers, tu boudes ? ».

Et de lui expliquer la folie des hommes, leur besoin de conquête, leur délire de possession.

Elle brandit son épée imaginaire et dit : « Je casserai les maisons, ils ne couperont pas les arbres. Je te le promets ».

Qu’il est doux de rêver. Au moins, je lui aurai transmis le courage. C’est une noble qualité.

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